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Nature et biologie | Le 28 mai 2025, par André Roussainville. Temps de lecture : sept minutes.


« Humanités numériques »

Le cerveau humain traite le langage d’une manière similaire aux modèles de langage artificiels

Neurosciences computationnelles

Une étude publiée en mars 2025 dans Nature Human Behaviour démontre que les aires cérébrales du langage utilisent des principes computationnels similaires aux grands modèles de langage (LLM) pour traiter la parole et comprendre le sens des mots durant des conversations spontanées. Menée par des chercheurs des laboratoires Google Research, cette étude récente explore les parallèles et les intercompréhensions possibles entre l’activité neuronale, notamment humaine, et les récentes avancées de l’intelligence artificielle et des des grands modèles de langage.

Porte-voix / Israfil Dough
Porte-voix / Israfil Dough © Sambuc éditeur, 2025

Une équipe de recherche internationale menée par Google Research en collaboration avec les universités de Princeton, NYU et l’Université hébraïque de Jérusalem a découvert que l’activité neuronale du cerveau humain présente un alignement linéaire surprenant avec les représentations internes des grands modèles de langage (LLM) lors du traitement de conversations quotidiennes. Cette découverte majeure, publiée le 7 mars 2025 dans la revue Nature Human Behaviour, ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension des mécanismes neurologiques du langage.

L’étude s’appuie sur l’analyse de l’activité neuronale enregistrée via des électrodes intracérébrales durant des conversations spontanées. Les chercheurs ont comparé les schémas d’activité neuronale avec les représentations internes générées par le modèle de reconnaissance vocale Whisper, en se concentrant sur l’alignement entre les caractéristiques linguistiques du modèle et le traitement naturel de la parole par le cerveau.

Interdépendance entre représentation, audition et articulation du langage

Cette étude présente un cadre computationnel unifié reliant les structures acoustiques, linguistiques et lexicales afin d’étudier les bases neuronales des conversations quotidiennes dans le cerveau humain. Nous avons utilisé l’électrocorticographie pour enregistrer les signaux neuronaux pendant 100 heures de production et de compréhension de la parole, tandis que les participants engageaient des conversations ouvertes dans des situations réelles. Nous avons extrait des intégrations acoustiques de bas niveau, des intégrations de la parole de niveau intermédiaire et des intégrations contextuelles des mots à partir d’un modèle multimodal de conversion de la parole en texte (Whisper). Nous avons développé des modèles d’encodage qui mappent linéairement ces intégrations sur l’activité cérébrale pendant la production et la compréhension de la parole. Il est remarquable que ce modèle prédise avec précision l’activité neuronale à chaque niveau de la hiérarchie du traitement du langage pendant des heures de nouvelles conversations qui n’ont pas été utilisées pour entraîner le modèle.

« A unified acoustic-to-speech-to-language embedding space captures the neural basis of natural language processing in everyday conversations », abstract du papier de recherche (mars 2025)

Pour chaque mot entendu ou prononcé, deux types de représentations vectorielles ont été extraites du modèle : les représentations de la parole issues de l’encodeur vocal et les représentations linguistiques basées sur les mots provenant du décodeur. Une transformation linéaire a permis de prédire les signaux neuronaux du cerveau à partir de ces représentations pour chaque mot dans chaque conversation.

Les résultats révèlent une séquence temporelle distincte selon que la personne écoute ou produit un discours. Lors de la compréhension, les représentations de la parole prédisent d’abord l’activité corticale dans les zones de traitement auditif du gyrus temporal supérieur, puis quelques centaines de millisecondes plus tard, les représentations linguistiques prédisent l’activité dans l’aire de Broca, responsable du décodage sémantique.

La production de parole présente une séquence inversée fascinante. Environ 500 millisecondes avant l’articulation d’un mot, les représentations linguistiques artificielles prédisent l’activité dans l’aire de Broca lors de la planification du discours. Puis, quelques centaines de millisecondes plus tard, les représentations de la parole prédisent l’activité du cortex moteur lors de la préparation articulatoire. Enfin, après l’articulation, ces mêmes représentations prédisent l’activité dans les zones auditives lorsque le locuteur s’entend parler.

Cette recherche révèle également l’existence d’une « hiérarchie souple » dans le traitement neural. Les régions cérébrales impliquées dans le langage, comme le gyrus frontal inférieur, privilégient les informations sémantiques et syntaxiques tout en capturant des caractéristiques auditives de niveau inférieur. Inversement, les zones de traitement de la parole comme le gyrus temporal supérieur se concentrent sur le traitement acoustique et phonémique tout en intégrant des informations au niveau des mots.

Des études complémentaires publiées dans Nature Neuroscience et Nature Communications ont révélé que le cerveau humain partage avec les modèles de langage des principes computationnels fondamentaux : la prédiction du mot suivant avant qu’il ne soit prononcé, la modulation de la surprise par la confiance dans les prédictions, et une géométrie similaire dans l’espace des représentations linguistiques.

Malgré ces similitudes remarquables, des différences architecturales importantes subsistent. Contrairement aux modèles Transformer qui traitent simultanément des centaines ou milliers de mots, les zones linguistiques du cerveau analysent le langage de manière sérielle, mot par mot, de façon récurrente et temporelle. Ces découvertes suggèrent que les modèles d’apprentissage profond pourraient offrir un nouveau cadre computationnel pour comprendre le code neural du cerveau dans le traitement du langage naturel, tout en soulignant la nécessité de développer des architectures neurales artificielles mieux adaptées aux expériences humaines.


André Roussainville


Ressources complémentaires

Ressource : A unified acoustic-to-speech-to-language embedding space captures the neural basis of natural language processing in everyday conversations (nature.com)

Ressource : Université Princeton (princeton.edu)

Ressource : Université de New York (NYU) (nyu.edu)

Ressource : Université hébraïque de Jérusalem (HUJI) (en.huji.ac.il)


Ressource : Hasson Lab - Princeton Uniiversity (hassonlab.princeton.edu)

Ressource : Comprehensive Epilepsy Center - NYU Langone Health (nyulangone.org)

Ressource : Deep Cognition Lab - HUJI (deepcognitionlab.com)

Ressource : Robust Speech Recognition via Large-Scale Weak Supervision (arxiv.org)

Notions liées

Grands modèles de langage, neurosciences computationnelles, aire de Broca, gyrus temporal supérieur, Représentations vectorielles, modèles Transformer, reconnaissance vocale, cortex moteur, Université Princeton, Université de New York (NYU), Université hébraïque de Jérusalem (HUJI).


Entités nommées fréquentes : Broca, NYU, Université, Jérusalem, HUJI.


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