Sciences humaines | Le 4 janvier 2025, par Raphaël Deuff. Temps de lecture : huit minutes.
littérature & sciences humaines
Sciences humaines | Le 4 janvier 2025, par Raphaël Deuff. Temps de lecture : huit minutes.
Langue vivante minoritaire
Le chleuh (tacelḥit) est une langue vivante minoritaire employée entre autres sur les territoires français, qui se rattache à la famille des langues chamito-sémitiques. Elle est parlée en Europe et au Maghreb, dans le Maroc du Grand Souss.
Le chleuh, ou tachelhit (tacelḥit) est une langue régionale utilisée en Europe et au Maghreb. Sur les régions et les territoires de France, la langue compte quelque 500 000 locuteurs, courants ou occasionnels. Dans le monde, on dénombre aujourd’hui approximativement vingt-trois millions de locuteurs pour la famille des langues berbères. Elle constitue la langue traditionnelle des Chleuhs.
La langue tachelhit se rattache au groupe des langues berbères du nord, au sein de la famille des langues chamito-sémitiques. Historiquement, son implantation se situe dans le Maroc du Grand Souss.
La langue tachelhit possède une structure syntaxique VSO, soit à syntaxe verbe-sujet-objet. Selon la typologie morphologique, la langue tachelhit est une langue flexionnelle (dont les mots possèdent des formes fléchies).
Le chleuh, comme les autres langues berbères, est doté d’un système d’écriture propre, le tifinagh, qui remonte à la période antique et aux écritures libyques, mais la littérature en langue berbère est largement demeurée une littérature orale jusqu’à très récemment, et les œuvres écrites l’ont été principalement dans les langues et les alphabets ayant dominé ces régions : Phéniciens, Romains, Arabes puis Français.
L’écriture de la langue tachelhit peut se faire dans l’alphabet berbère ou, plus fréquemment, dans l’alphabet berbère latin.
Les premiers linéaments d’études berbères occidentales remontent à la fin du xviiie siècle et aux missions scientifiques en Afrique du nord, et à des auteurs comme les Français Bory de Saint-Vincent (1778-1846) et Jean-Raymond Pacho (1794-1829), les Anglais James Grey Jackson (actif au début du xixe siècle), George Francis Lyon (1795-1832) et Dixon Denham (1786-1828), ou les Allemands Johann Martin Augustin Scholz (1794-1852) et Menu von Minutoli (1772-1846). Parmi les spécialistes des langues berbères, on mentionnera les travaux francophones du linguiste Salem Chaker – « Le berbère, une langue occultée en exil » (Vingt-cinq communautés linguistiques de la France, 1988) ; Berbères aujourd’hui (1998) ; Textes en linguistique berbère (1994) ; contributions à l’Encyclopédie berbère (dir. Gabriel Camps) – et ceux de Lionel Galand (1920-2017), dont « Berbère » (Les Langues dans le monde ancien et moderne, 1988).
Dans les premières mentions de la langue et de l’ethnie des Chleus, les auteurs distinguent celle-ci d’avec la culture berbère : le comte suédois Jacob Graberg af Hemsŏ (1776-1847) mentionne « les dialectes arabe, berbère et cheloe » dans un rapport de 1818 (Observations grammaticales et philologiques sur les langues parlées dans la Maghrib-el Aqssàa et principalement sur les dialectes arabe, berbère et cheloe, rapport à la Société scientifique d’Uppsala, inédit, cité par Jouni Filip Maho) ; et le géographe allemand Auguste Friedrich Ukert (1780-1851) les nomme « Chelluhs » (Vollständige und neueste Erdbeschreibung der Nordhälfte, 1824). Parmi les études parues au tournant des xixe et xxe siècles, le linguiste berbérisant René Basset (1855-1924) – Le dialecte Berbère de Taroudant, 1894 – le linguiste allemand Hans Stumme (1864-1936) – Manuel de la langue chleuh du Tazeroualt , Handbuch des Schilḥischen von Tazerwalt, 1899 – le lexicographe algérien Saïd Cid Kaoui (1859-1910) – Dictionnaire français-tachelh’it et français-tamazir’t, 1907 – et le militaire Léopold Victor Justinard (1878-1959) – Manuel de berbère marocain (dialecte chleuh), 1914 – sont à l’origine de descriptions du dialecte berbère tachelhit. René Basset est également à l’origine de la publication d’un Poème de Çabi en dialecte chelh’a, en 1879.
Parmi les auteurs de la deuxième moitié du xxe siècle, le linguiste américain Joseph Roye Applegate (1925-2003) instaure une description scientifique du dialecte et publie également des textes dans la langue (Shilha: A Descriptive Grammar With Vocabulary and Texts, 1955).
La Constitution d’octobre 1958 dispose, en France, du français comme « langue de la République » (art. 2 modifié par la loi constitutionnelle no 92-554 du 25 juin 1992), ce qui prescrit l’emploi de la langue française dans la sphère publique et l’enseignement. Ce recours à des idiomes minoritaires a en revanche été reconnu dans son importance patrimoniale par la même Constitution en 2008 (art. 75-1).
Comme langue minoritaire des territoires français, l’enseignement de la langue tachelhit a pour cadre normatif le Code de l’éducation (art. L. 121-1, L. 121-3, L. 123-6, L. 312-10 et L. 312-11), le Code rural (L. 811-5, L. 813-2 et R. 811-129) et le Code de la consommation (L. 121-33). La langue tachelhit est également enseignée à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Son emploi dans les médias et dans la sphère publique est essentiellement défini au sein de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.
Cette langue est par ailleurs protégée au titre de la Charte européenne sur les langues régionales et minoritaires (1992), en Espagne (II, art. 7).
Au reste, le tachelhit est cité dans l’édition 2010 de l’Atlas des langues en danger dans le monde publié par l’UNESCO, comme langue menacée d’extinction.
L’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM, Maroc) et le Haut Commissariat de l’amazighité (HCA, Algérie) comptent parmi les organismes promouvant le chleuh, sa pratique et son enseignement actuellement.
Raphaël Deuff
Noms français : chleuh, tachelhit
Autonyme : tacelḥit
Nom anglais : Tachelhit (Shilha, Sousse, Soussiya, Southern Shilha, Sus, Susiua, Susiya, Tachilhit, Tashelhait, Tashelhayt, Tashelheyt, Tashelhit, Tashilheet, Tasoussit)
Statut : langue vivante minoritaire
Territoires d’implantation : Maroc du Grand Souss
Systèmes d’écriture : alphabet berbère latin (transcription), alphabet berbère
Famille linguistique : langues chamito-sémitiques
Typologie linguistique : VSO, flexionnelle
Notices d’autorité et bibliographiques : tach1250 (Glottolog.org), shi (ISO 639-3). Parent : atla1275 (Glottolog.org)
Portail : Institut royal de la culture amazighe (IRCAM, Maroc) (ircam.ma)
Portail : Haut Commissariat de l’amazighité (HCA, Algérie) (hcamazighite.dz)
Ressource : Tachelhit – shi (iso639-3.sil.org)
Ressource : Tachelhit – tach1250 (glottolog.org)
Ressource : Atlas Berber – atla1275 (glottolog.org)
Ressource : Chleuh (Berbère) (inalco.fr)
Ressource : Berbère (langues berbères) (inalco.fr)
Ressource : OLAC resources in and about the Tachelhit language (language-archives.org)
Ressources bibliographiques
Bernard Cerquiglini, Les Langues de France. Rapport au ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie et à la ministre de la Culture et de la Communication, 1er avril 1999. Lire en ligne (vie-publique.fr).
Christos Clairis, Denis Costaouec et Jean-Baptiste Coyos (dir.), Langues et cultures régionales de France, Paris, L’Harmattan, 2000.
Henri Giordan (dir.), Les minorités en Europe. Droits linguistiques et droits de l’homme, Paris, Kimé, 1992. Compte-rendu en ligne (persee.fr).
Henri Giordan, Démocratie culturelle et droit à la différence. Rapport présenté à Jack Lang, ministre de la Culture, Paris, La Documentation française, 1982. Notice en ligne (catalogue.bnf.fr).
Henri Giordan et al., « Les langues de France », Tribune internationale des langues vivantes, Paris, 2000.
Wolfgang Jenniges (éd.), Select Bibliography on minority languages in the European Union / Bibliographie sélective des langues minoritaires de l’Union européenne, Bruxelles, Bureau européen pour les langues moins répandues, 1997. Notice en ligne (europeansources.info).
Benoît Paumier et al., Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne, rapport présenté à la ministre de la Culture et de la Communication, 17 juillet 2013. Lire en ligne (vie-publique.fr).
Bernard Poignant, Langues et cultures régionales. Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 1998. Lire en ligne (vie-publique.fr).
Jean Sibille, Les Langues régionales, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 2000.
Geneviève Vermès (dir.), Vingt-cinq communautés linguistiques de la France (2 vol.), Paris, L’Harmattan, 1988. Compte-rendu en ligne (persee.fr).
Texte de référence : Constitution du 4 octobre 1958 (legifrance.gouv.fr), art. 2 et 75-1
Enseignement
Texte de référence : Code de l’éducation (legifrance.gouv.fr), art. L. 121-1, L. 121-3, L. 123-6, L. 312-10 et L. 312-11
Texte de référence : Code rural (legifrance.gouv.fr), art. L. 811-5, L. 813-2 et R. 811-129
Texte de référence : Code de la consommation (legifrance.gouv.fr), art. L. 121-33
Médias et sphère publique
Texte de référence : Loi no 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française (legifrance.gouv.fr), dite « loi Toubon »
Entités nommées fréquentes : France, Code, Maroc du Grand Souss, Institut, Tachelhit, Berbère, Europe, Paris, Giordan, Culture, Constitution.
Arts | Le 8 janvier 2025, par Sambuc éditeur.
Arts | Le 7 janvier 2025, par Sambuc éditeur.
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