Techniques et métiers | Le 11 février 2025, par Luc Grampivf. Temps de lecture : six minutes.

« Humanités numériques »

Spinoza, un outil d’intelligence artificielle à destination des journalistes

Journalisme et nouvelles technologies

Plus de 120 médias français ont récemment dévoilé Spinoza, un assistant utilisant l’intelligence artificielle (IA) et dédié aux journalistes, développé conjointement par Reporters sans frontières et l’Alliance pour la presse d’information générale. Centré sur les enjeux climatiques, cet outil open source aide à la recherche et à la synthèse d’informations tout en respectant l’éthique journalistique. Une initiative qui vise à reprendre la main sur le développement de l’IA dans les médias.

Série Fiat Lux / Israfil Dough © Sambuc éditeur, 2025

Les médias français s’organisent face aux défis de l’intelligence artificielle. À l’occasion du sommet international sur l’IA à Paris, ces lundi 10 et mardi 11 février, plus de 120 médias issus de douze entreprises de presse ont présenté les résultats de l’expérimentation « Spinoza », un outil d’IA conçu spécifiquement pour les journalistes.

Fruit d’une collaboration entre Reporters sans frontières (RSF) et l’Alliance pour la presse d’information générale (Apig), ce prototype lancé en novembre 2023 se concentre sur les enjeux climatiques. Il s’appuie sur six bases de données comprenant plus de 28 000 articles de presse, près de 1000 contenus de l’Agence France-Presse (AFP), ainsi que des données scientifiques, législatives et institutionnelles, notamment fournies par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Dans la continuité de la Charte sur l’intelligence artificielle et le journalisme, que RSF a développée avec 16 organisations partenaires et a présentée au Forum de Paris sur la paix en novembre 2023, l’organisation dévoile, en ce jour d’ouverture du Sommet pour l’IA à Paris, le rapport SpinozIA, vers un journalisme augmenté et éthique. Il est le fruit d’une expérimentation menée par RSF avec l’Alliance de la presse d’information générale (l’Alliance) : concevoir le premier outil d’intelligence artificielle en collaboration avec des journalistes et des éditeurs de presse française.

RSF et l’Alliance lancent le rapport Spinoza - Reporters sans frontières

L’outil, dont le code sera librement accessible au printemps 2025, a été conçu selon des principes éthiques stricts : fiabilité de l’information, transparence des sources et respect des droits d’auteur. Pour le directeur général de RSF, Thibaut Bruttin, cette initiative démontre l’importance de ne pas abandonner le développement de l’IA générative aux seuls acteurs technologiques, dont les priorités peuvent diverger des besoins de la presse.

Cette démarche s’inscrit dans un contexte plus large de mobilisation des médias français. La semaine précédente, l’Apig et d’autres organisations appelaient les pouvoirs publics à instaurer un dialogue entre entreprises d’IA et médias pour protéger leurs contenus et préserver la qualité de l’information.

Un rapport sur l’éthique du journalisme et de l’IA

Ce lundi, alors que le Sommet pour l’Action sur l’IA ouvrait ses portes au Grand Palais, les deux partenaires à l’origine du modèle de langage destiné aux journalistes publiaient également un rapport traitant de l’éthique liée à l’usage de l’intelligence artificielle dans le journalisme. Baptisée “SpinozIA, vers un journalisme augmenté et éthique”, l’étude présente les observations et conclusions de l’expérimentation du projet de l’outil Spinoza lancé en 2023. Le document s’appuie notamment sur une enquête menée auprès de 281 journalistes en France.

L’étude révèle que près de la moitié des journalistes professionnels (45 %) utilisent déjà l’IA générative dans leur travail. Une très large majorité (93 %) envisage également d’y recourir, principalement pour des tâches comme la traduction de documents, la retranscription d’entretiens, la synthèse d’informations ou la reformulation de textes.

Si les journalistes expriment certaines inquiétudes concernant la perte de contrôle éditorial, la désinformation ou l’impact sur leurs conditions de travail, ils perçoivent néanmoins l’IA comme un outil d’amélioration de leur productivité. Plus significatif encore, 86 % d’entre eux estiment être les mieux placés pour encadrer l’utilisation de ces technologies dans le domaine de l’information journalistique.

Cette publication intervient dans un contexte de transformation numérique des médias, où l’IA générative suscite autant d’espoirs que de questionnements sur l’avenir de la profession.

Luc Grampivf