Écrans : cinq sociétés savantes alertent sur le danger pour le développement des enfants

Santé infantile et usage des écrans

Retards de langage, troubles de l’attention, difficultés de mémorisation : les spécialistes français de la santé infantile tirent la sonnette d’alarme sur les conséquences néfastes des écrans et appellent à une révision des recommandations officielles concernant leur usage chez les enfants, en particulier avant l’âge de six ans. De leur côté, le député et ancien Premier ministre Gabriel Attal et le pédopsychiatre Marcel Rufo appellent à un couvre-feu numérique et un système d’évaluation de la dépendance.

Cinq sociétés savantes françaises lancent un appel à la vigilance concernant l’utilisation des écrans chez les jeunes enfants. Dans une tribune publiée le 29 avril 2025, elles recommandent de proscrire complètement les activités sur écrans pour les enfants de moins de six ans, affirmant qu’elles « altèrent durablement leur santé et leurs capacités intellectuelles ».

Cette prise de position collective est signée par la Société française de pédiatrie, la Société française de Santé publique, la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, la Société française d’ophtalmologie, ainsi que la Société francophone de santé et environnement. Selon les scientifiques signataires, la recommandation actuelle des autorités sanitaires, qui préconise une absence d’écran avant trois ans, est « clairement insuffisante » et doit être actualisée à la lumière des dernières connaissances scientifiques.

Les signataires appuient leur position sur les nombreuses publications scientifiques internationales qui démontrent que la technologie des écrans nuit très gravement au développement cérébral des jeunes enfants ; et ce indépendamment des contenus présentés, y compris ceux qualifiés d’éducatifs. Ils soulignent que les écrans, indépendamment de leur forme (télévision, tablette, téléphone), non seulement ne répondent pas aux besoins des enfants, mais entravent et altèrent la construction de leur cerveau.

Les professionnels de santé et les enseignants de maternelle et de cours préparatoire observent déjà les conséquences néfastes d’une exposition régulière aux écrans avant l’entrée à l’école primaire. Parmi ces conséquences figurent des retards de langage, des troubles de l’attention et de la mémorisation, ainsi qu’une agitation motrice excessive. Le phénomène touche tous les milieux socio-éducatifs, mais les expositions apparaissent plus importantes dans les foyers les plus défavorisés - notamment par manque de disponibilité, détresse ou méconnaissance des parents - contribuant ainsi à l’aggravation des inégalités sociales.

Les experts rappellent que le développement neurologique de l’enfant résulte d’interactions riches et variées avec son environnement, et que les six premières années de vie sont cruciales à cet égard. Ils précisent qu’il ne s’agit pas de diaboliser les outils numériques, mais de reconnaître qu’il y a un âge approprié pour leur utilisation.

Cet appel intervient un an après la publication du rapport « Enfants et écrans » réalisé par une commission d’experts mandatée par le président Emmanuel Macron. Les sociétés savantes à l’origine de l’appel souhaitent s’adresser aux parents, aux enseignants, aux éducateurs, aux soignants et aux décideurs politiques ; elles invitent à créer un environnement favorable à la santé et à l’épanouissement des enfants en privilégiant des activités alternatives comme la lecture à voix haute, les jeux libres ou de société, les activités physiques, créatives et artistiques.

Gabriel Attal appelle à « un état d’urgence » contre les écrans

L’ancien Premier ministre Gabriel Attal et le pédopsychiatre et professeur d’université Marcel Rufo ont également cosigné une tribune, publiée mardi par Le Figaro, où ils préconisent des « mesures radicales » pour protéger la jeunesse française des effets délétères des réseaux sociaux, allant jusqu’à parler d’un « état d’urgence » à déclarer contre les écrans.

« Entre anxiété, dépression ou troubles du comportement alimentaires… La santé de nos jeunes est en péril » et « la responsabilité des écrans est immense », affirment les deux auteurs dans leur texte conjoint.

Face au constat alarmant que les adolescents « passent entre 3h30 et 5h par jour devant un écran », les auteurs de la tribune proposent plusieurs mesures concrètes. Parmi celles-ci figurent la création d’un « entretien d’évaluation » de la dépendance aux écrans à l’entrée en sixième puis en seconde, ainsi que des vérifications d’âge similaires à celles imposées aux sites pornographiques pour interdire l’accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux.

Pour les 15-18 ans, ils suggèrent « un couvre-feu numérique » empêchant l’accès aux réseaux sociaux de 22h à 8h du matin. Une autre proposition consiste à faire « passer en noir et blanc pour une heure au moins » les réseaux sociaux après 30 minutes d’utilisation afin de réduire leur attractivité.

Les signataires préconisent également la limitation à une heure de l’accès aux réseaux sociaux pour les mineurs, citant l’exemple chinois avec TikTok comme modèle à suivre. Cette référence intervient alors qu’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs a été lancée à l’Assemblée nationale.

La création d’un « addict-score public, sur le modèle du Nutri-score » figure aussi parmi les propositions. Ce système permettrait d’« évaluer le potentiel addictif des applications et des plateformes ». Enfin, ils suggèrent qu’une taxe de « 2 % des revenus générés » par les activités des plateformes en France soit affectée à un fonds destiné à financer la recherche et la prise en charge de la santé mentale.

Sambuc éditeur

Aller plus loin

Ressource : Les activités sur écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de 6 ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles (sfpediatrie.com)

Ressource : Le dossier du mois. Enfant et écrans de 0 à 2 ans (sfsp.fr)

Ressource : Remise du rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans (elysee.fr)

Ressource : Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu (vie-publique.fr)

Ressource : Gabriel Attal et Marcel Rufo : « Il faut interdire l’accès des jeunes de moins de 15 ans aux réseaux sociaux » (lefigaro.fr)

Entités liées

Addiction numérique, Amine Benyamina, Clara Chappaz, couvre-feu numérique, Emmanuel Macron, écrans, éducation numérique, Gabriel Attal, inégalités sociales de santé, Marcel Rufo, neurodéveloppement de l’enfant, rapport Enfants et écrans, retard de langage, réseaux sociaux, santé mentale infantile, santé publique, Société française de pédiatrie, TikTok, troubles de l’attention.

Entités nommées fréquentes : Société, Gabriel Attal, Marcel Rufo, Enfants, TikTok.