Nature et biologie | Le 20 mars 2025, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : six minutes.
littérature & sciences humaines
Nature et biologie | Le 20 mars 2025, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : six minutes.
Recherche en génétique des populations
Issue de millénaires d’évolution, la diversité génétique des abeilles à miel pourrait être menacée par les pratiques apicoles intensives de ces 50 dernières années. C’est la découverte d’une étude scientifique menée par une équipe de chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), publiée en décembre dernier. Cette découverte met en lumière des stratégies de conservation à envisager pour préserver l’avenir des populations d’abeilles.
Une équipe de chercheurs de l’INRAE a publié en décembre 2024 une étude révélatrice sur l’histoire évolutive et la diversité génétique des abeilles à miel (Apis mellifera). Leurs travaux démontrent que les pratiques apicoles modernes ont considérablement modifié le patrimoine génétique de cette espèce en l’espace de quelques décennies seulement.
L’étude s’est concentrée sur l’histoire des trois grandes lignées européennes d’abeilles à miel (M, C et O) et a analysé l’évolution de leur diversité génétique. Bien que l’origine géographique exacte de l’espèce reste débattue (africaine, asiatique ou européenne), les chercheurs confirment que sa présence en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient remonte à plusieurs centaines de milliers d’années, ce qui a permis le développement d’une trentaine de sous-espèces regroupées en sept lignées distinctes.
Les résultats montrent que si ces lignées ont connu une longue période de séparation, créant des différences génétiques marquées, elles ont également vécu des périodes d’échanges, notamment lors de la recolonisation depuis leurs refuges glaciaires. Cependant, c’est l’histoire récente qui s’avère déterminante pour la diversité actuelle.
Contrairement aux hypothèses initiales, ce ne sont pas les centaines de milliers d’années d’évolution qui expliquent l’hétérogénéité de la diversité génétique observée aujourd’hui, mais bien les pratiques apicoles des 15 à 25 dernières générations d’abeilles. Cette chronologie correspond à l’intensification de l’apiculture depuis les années 1970-1980, avec le développement de l’élevage de reines et l’importation massive de certaines lignées, comme les abeilles jaunes italiennes (Apis mellifera ligustica) de lignée C qui ont largement remplacé les abeilles noires natives (lignée M) en France.
Les chercheurs soulignent également que la mondialisation de l’apiculture a eu des conséquences néfastes, notamment en provoquant le chevauchement des aires de répartition d’Apis mellifera et d’Apis cerana (abeille asiatique), permettant le passage du parasite Varroa destructor d’une espèce à l’autre, avec des effets dévastateurs sur la santé des colonies.
Pour préserver la diversité génétique des abeilles à miel, essentielle face aux défis futurs comme le changement climatique, l’étude recommande le renforcement des conservatoires d’abeilles noires. Toutefois, les chercheurs avertissent que la conservation sur de petites îles comme Ouessant n’est qu’une solution à court terme en raison du risque accru de consanguinité. Ils préconisent une structuration des efforts de conservation en lien avec la filière apicole, des échanges entre conservatoires pour maintenir la diversité génétique, et l’utilisation du séquençage génomique comme outil de suivi.
Sambuc éditeur
Abeilles de la lignée A : intègre les sous-espèces du continent africain.
Abeilles de la lignée M : rassemble les sous-espèces d’Europe occidentale et septentrionale.
Abeilles de la lignée C : regroupe les sous-espèces d’Europe orientale.
Abeilles de la lignée O : comprend des espèces turques et du Moyen-Orient .
Diversité génétique : correspond à la diversité des gènes au sein d’une même espèce. Le génome, constitué de l’ensemble des gènes, représente une sorte de carte d’identité génétique de l’individu.
Pollinisation : transport du pollen des organes de reproduction mâle (les étamines) vers le ou les organes de reproduction femelle (les pistils) pour permettre la reproduction sexuée.
Abeille à miel, Apis mellifera, diversité génétique, apiculture, lignées d’abeilles, conservation des espèces, INRAE, Varroa destructor, pollinisation, abeille noire, consanguinité génétique, séquençage génomique
Entités nommées fréquentes : Apis, Europe, INRAE.
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