Nature et biologie | Le 13 mai 2025, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : huit minutes.
littérature & sciences humaines
Nature et biologie | Le 13 mai 2025, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : huit minutes.
Neurosciences et nouvelles technologies
Le déclin cognitif, généralement appelé démence par certains scientifiques, est un phénomène de déclin lent et progressif des fonctions cognitives. Il est en grande partie associé au vieillissement normal, et s’accompagne d’une altération du système mnésique (mémoire), de la pensée, du jugement et de l’apprentissage. Une méta-analyse récemment publiée dans la revue scientifique Nature Human Behaviour révèle un effet protecteur de l’usage actif des outils numériques sur les capacités mentales. Cette étude d’ensemble, portant sur plus de 411 000 personnes de plus de 50 ans, intègre notamment les générations qui ont connu le début de l’ère numérique.
Souvent mises en cause et suspectés quant au déclin de nos capacités cognitives, de l’attention à la mémoire, les technologies numériques révèlent aujourd’hui un potentiel insoupçonné pour préserver la santé cognitive des seniors. Une vaste méta-analyse internationale publiée en avril 2025 dans la revue Nature Human Behaviour consacrée au comportement humain démontre que l’utilisation régulière d’outils numériques serait associée à un déclin cognitif plus lent et plus tardif chez les personnes de plus de 50 ans.
Cette méta-étude d’envergure, dirigée par Jared Benge, neuropsychologue à l’Université du Texas, et Michael Scullin, spécialiste en neurosciences cognitives à l’Université Baylor, a épluché 57 études portant sur plus de 411 000 individus. Les résultats sont pour le moins contre-intuitifs : l’usage des technologies numériques est corrélé à une réduction de 58 % du risque de troubles cognitifs et à un ralentissement de 26 % de la perte des facultés mentales au fil du temps.
Même si l’étude ne permet pas d’établir la causalité de ce phénomène, les données contredisent ainsi l’hypothèse d’une « démence numérique », selon laquelle une exposition prolongée aux écrans affaiblirait à terme un certain nombre de facultés intellectuelles. Bien au contraire, chez les générations ayant disposé aux différents âges de la vie de l’outil numérique, l’usage de celui-ci est associé à une réduction du déclin des fonctions cognitives.
Ce déclin, lié à l’âge et constitué d’un ensemble de symptômes, est naturel et constitue ce que les neuroscientifiques appellent la démence. Il s’agit d’un phénomène complexe, qui ne progresse pas au même rythme pour toutes les fonctions cérébrales : tandis que les capacités de calcul ou la faculté de langage ne sont en général affectées qu’à partir de 80 ans, les facultés spatiales, par exemple, peuvent commencer à décliner dès 17 ans.
L’effet protecteur observé se manifeste indépendamment du niveau d’éducation, de l’état de santé général ou du statut socio-économique des participants. Cette protection concernerait en outre plusieurs formes d’interactions technologiques, notamment l’utilisation de téléphones intelligents (smartphones), d’ordinateurs ou la navigation en ligne.
Pour expliquer ces résultats, les chercheurs proposent le concept de « réserve technologique », selon lequel l’usage des outils numériques favoriserait des comportements bénéfiques pour le cerveau. Trois mécanismes principaux sont avancés : la complexité des tâches numériques qui stimule les capacités mentales, le maintien des liens sociaux facilité par les technologies, et les compensations cognitives qu’elles permettent, comme les rappels automatiques ou l’utilisation de systèmes de géolocalisation.
Les auteurs précisent toutefois que tous les usages numériques ne se valent pas. Une consommation passive, comme le simple visionnage de contenus télévisés, n’apporterait aucun bénéfice cognitif. À l’inverse, un usage actif, interactif et stimulant des technologies constituerait un facteur de protection contre le déclin des facultés mentales lié à l’âge.
Sam Gilbert, professeur en neurosciences cognitives à l’University College London, souligne l’importance de ces découvertes qui établissent un lien clair entre l’utilisation du numérique et la préservation des fonctions cognitives à un âge avancé. Ces résultats ouvrent ainsi la voie à de nouvelles approches préventives du vieillissement cérébral, où les technologies pourraient jouer un rôle central.
Patrick Lemaire, professeur de psychologie à l’Université d’Aix-Marseille (AMU) et membre de l’Institut universitaire de France (IUF), nuance cependant ces conclusions en rappelant que de nombreuses zones d’ombre persistent sur ce sujet complexe. Des travaux supplémentaires seraient nécessaires pour explorer les relations causales bidirectionnelles (les facteurs s’influençant mutuellement), comprendre les mécanismes qui sous-tendent cette « réserve technologique » et identifier précisément quels types d’usages numériques et à quels moments de la vie ils sont les plus bénéfiques pour la santé cognitive.
En septembre 2021, une autre méta-étude publiée dans la revue Gerontologist par des chercheurs belges et québécois avait relevé, d’une façon similaire, l’efficacité des outils numériques à destination des séniors pour limiter la progression du déclin cognitif. Composés de logiciels d’exercices ou de matériel éducatif, ces dispositifs ont en particulier un effet sur la mémoire et les capacités psychosociales, c’est-à-dire d’interaction avec autrui. Les proches-aidants en bénéficient également.
Nature Human Behaviour est une revue scientifique multidisciplinaire mensuelle, accessible en ligne et évaluée par des pairs, qui couvre tous les aspects du comportement humain. Elle a été fondée en janvier 2017 et est publiée par Nature Portfolio, appartenant au groupe Springer Nature. Depuis 2016, la rédactrice en chef est la chercheuse d’origine grecque Stavroula Kousta.
Sambuc éditeur
Ressource : Jared F. Benge & Michael K. Scullin : A meta-analysis of technology use and cognitive aging (nature.com)
Ressource : L’intelligence humaine à l’épreuve des écrans - Série « L’impact des écrans ». Épisode 6/6 (radiofrance.fr)
Ressource : Principaux repères de l'OMS sur la démence (who.int)
Ressource : Sam Gilbert. Senior Research Fellow - Metacognition & Executive Functions (ucl.ac.uk)
Ressource : Déclin cognitif: les outils numériques peuvent aider (nouvelles.ulaval.ca)
Ressource : The Effectiveness of e-Health Solutions for Aging With Cognitive Impairment: A Systematic Review (pubmed.ncbi.nlm.nih.gov)
Déclin cognitif, neurosciences cognitives, démence numérique, réserve technologique, vieillissement cérébral, Nature Human Behaviour, méta-analyse, technologies numériques (ou digitales), stimulation cognitive, santé mentale des seniors.
Entités nommées fréquentes : Nature Human Behaviour.
Actualités culturelles | Le 27 mai 2025, par Sambuc éditeur.
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