Nature et biologie | Le 5 mai 2025, par André Roussainville. Temps de lecture : huit minutes.
littérature & sciences humaines
Nature et biologie | Le 5 mai 2025, par André Roussainville. Temps de lecture : huit minutes.
Recherche médicale et ethnopharmacologie en Amérique du sud
Arbuste du nord-est du Brésil, le Mimosa tenuiflora était déjà connu pour les propriétés cicatrisantes de son écorce. Les racines de la plante, consommées depuis des siècles par des peuples autochtones du Brésil, contiennent en outre de la diméthyltryptamine (DMT), une substance psychotrope. Or, selon des résultats récemment publiés dans la revue Nature par une équipe de chercheurs brésiliens, ce composé montre des résultats prometteurs dans le traitement de la dépression nerveuse.
Le Mimosa tenuiflora, ou mimosa à petites fleurs, connu localement sous le nom de « jurema preta », fait l’objet d’une attention scientifique croissante au Brésil pour ses propriétés potentiellement antidépressives. Cette plante, dont les racines contiennent de la diméthyltryptamine (DMT), substance psychotrope hallucinogène, est traditionnellement utilisée lors de cérémonies religieuses par des peuples autochtones brésiliens.
À l’Institut du cerveau de l’Université fédérale de Rio Grande do Norte, le physicien Draulio Araujo mène des recherches approfondies sur les effets thérapeutiques de la DMT extraite de cette plante. Son équipe a conduit une expérience impliquant 14 personnes souffrant de dépression, qui ont inhalé des vapeurs de DMT sous supervision médicale pendant six mois.
Les résultats, publiés en avril dans la prestigieuse revue scientifique Nature, sont particulièrement encourageants. « L’effet est rapide. Un jour après la première inhalation, les patients ont présenté une importante amélioration dans leurs symptômes de la dépression », affirme le chercheur. Une précédente étude sur le même sujet avait été publiée dans la revue Psychedelic Medicine l’année dernière.
Selon Draulio Araujo, la DMT aiderait les patients « à changer de perspective sur la façon dont ils font face à certains problèmes » dans leur vie personnelle. Cependant, il prévient qu’il ne s’agit nullement d’une « formule magique » et que les produits contenant des substances psychotropes « ne sont pas faits pour tout le monde ». Fernanda Palhano-Fontes, chercheuse au même institut, confirme : « Certains patients vont beaucoup mieux, mais pour d’autres il n’y a aucune amélioration ». Durant le traitement en cours d’expérimentation, les patients bénéficient également d’un suivi psychologique, et certains continuent en parallèle à prendre des médicaments antidépresseurs conventionnels.
L’espèce végétale Mimosa tenuiflora est en elle-même légale au Brésil, de la plantation à la possession. Toutefois, la consommation de produits contenant de la DMT est interdite, excepté dans le cadre de cultes religieux ou d’expériences scientifiques. Dans son usage religieux, elle est généralement mélangée à d’autres plantes pour créer un breuvage consommé lors de rituels où l’on danse au rythme des tambours, notamment chez des peuples indigènes du nord-est du Brésil.
Draulio Araujo prévoit d’étendre ses recherches en proposant son traitement expérimental à une centaine de patients, dans le but de tirer des conclusions plus définitives « d’ici cinq ans ». Grâce à ces travaux, « le Brésil occupe actuellement une position de premier plan » dans les recherches sur la DMT, notamment en raison de l’enracinement de l’usage de cette substance dans la société brésilienne.
Arbuste originaire du nord-est du Brésil, le Mimosa tenuiflora possède une aire de répartition qui s’étend jusqu’au sud du Mexique, englobant plusieurs pays d’Amérique centrale et du Sud - Salvador, Honduras, Panama, Colombie et Venezuela. Connue localement sous divers noms vernaculaires (jurema preta, calumbi, tepezcohuite ou carbonal), l’espèce prospère principalement en basse altitude.
Sur le plan chimique, l’écorce du Mimosa tenuiflora se distingue par sa composition particulièrement riche. Elle contient des tanins, des saponines, des alcaloïdes, des lipides, des phytostérols, des glucosides, du xylose, du rhamnose, de l’arabinose, du lupéol, des méthoxychalcones et des kukulkanines. Des diterpènes de type labdane ont également été identifiés dans cette plante.
La caractéristique chimique la plus remarquable du Mimosa tenuiflora réside dans la teneur de la plante, et en particulier ses racines, en diméthyltryptamine (DMT), un puissant psychotrope naturel. L’écorce de racine séchée des spécimens mexicains présente ainsi une concentration en DMT d’environ 1 à 1,7 %.
L’espèce Mimosa tenuiflora occupe une place centrale dans le culte de la Jurema (O Culto da Jurema) pratiqué dans le nord-est du Brésil. Des parties de l’arbre, notamment l’écorce, sont traditionnellement utilisées pour préparer une décoction psychoactive appelée Jurema ou Yurema. Ce breuvage cérémoniel présente une particularité pharmacologique intéressante : contrairement à l’ayahuasca amazonien, aucun inhibiteur de monoamine oxydase (IMAO) n’a été détecté dans les préparations de Jurema. Or, la DMT n’est normalement pas active par voie orale sans la présence d’un de ces composés, qui empêche sa dégradation dans l’organisme : ce sont ainsi différents alcaloïdes du groupe des harmanes, présents entre autres dans la rue sauvage (Peganum harmala), qui jouent dans l’ayahuasca le rôle d’inhibiteurs MAO et confèrent à cette préparation traditionnelle sa propriété hallucinogène.
En 2005, l’identification de la yurémamine, un nouveau type de phytoindole isolé du Mimosa tenuiflora, ouvre voie à une explication pharmacologique de l’activité orale de la DMT dans la Jurema.
André Roussainville
Publication de référence : Rapid and sustained antidepressant effects of vaporized N,N-dimethyltryptamine: a phase 2a clinical trial in treatment-resistant depression (nature.com)
Ressource : Taxon: Mimosa tenuiflora (Willd.) Poir. (npgsweb.ars-grin.gov)
Ressource : Jurema-Preta (Mimosa tenuiflora [Willd.] Poir.): a review of its traditional use, phytochemistry and pharmacology (scielo.br)
Diméthyltryptamine, dépression, ethnopharmacologie, Institut du cerveau de l’Université fédérale de Rio Grande do Norte, Mimosa tenuiflora, médecine expérimentale, Nature (revue), neurosciences, Psychedelic Medicine (revue), psychotropes, rituels indigènes brésiliens.
Entités nommées fréquentes : Brésil, DMT, Mimosa, Jurema, Nature.
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