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Technologie | Le 4 juillet 2025, par Sambuc éditeur. Temps de lecture : sept minutes.


Gaz lacrymogène : d’une invention française au maintien de l’ordre moderne

Arme chimique non létale

Le gaz lacrymogène désigne un ensemble de composés chimiques provoquant une irritation temporaire des yeux et du système respiratoire. Développé initialement en France au début du xxe siècle, il est aujourd’hui largement utilisé par les forces de l’ordre pour disperser les manifestations et par les particuliers pour l’autodéfense.

Série Villes aquatiques / Israfil Dough
Série Villes aquatiques / Israfil Dough © Sambuc éditeur, 2025

Le gaz lacrymogène, terme générique désignant l’ensemble des composés (appelés agents lacrymogènes) causant une incapacité temporaire par irritation des yeux ou du système respiratoire, trouve son origine dans une initiative française du début du xxe siècle.

L’histoire de cette arme non létale débute le 26 mai 1912, lorsque le préfet de police de Paris Louis Lépine institue une commission spéciale chargée d’élaborer des moyens d’action contre les malfaiteurs barricadés. Cette commission réunit des experts de l’Institut Pasteur, de l’Académie de médecine, du laboratoire municipal de Paris et de la section technique du génie militaire. Le premier composé retenu est le bromoacétate d’éthyle (C4H7BrO2, ester éthylique de l’acide bromoacétique), connu depuis 1850 pour ses propriétés irritantes.

Testé à partir de mars 1913 par la préfecture parisienne, ce gaz lacrymogène est utilisé opérationnellement dès septembre 1913 pour neutraliser les forcenés. Le succès de cette substance conduit l’Établissement central du matériel du Génie à adopter une grenade copiée sur le modèle parisien. Dès juillet 1913, l’armée française dispose de projectiles de pistolet lance-fusées et de grenades suffocantes au bromoacétate d’éthyle.

La première utilisation militaire a lieu fin août 1914 en Alsace contre l’armée allemande, sous forme de cartouches suffocantes et de grenades à main. Cet usage se solde par un échec.

Le terme « lacrymogène », dérivé du latin lacryma (« larme ») et du suffixe grec « -gène » (γένος, « naissance, origine »), apparaît en 1915.

Le CS, gaz du maintien de l’ordre en France

L’usage du gaz lacrymogène se généralise à travers le monde à partir des années 1920 et devient un outil de dispersion des manifestations dès les années 1930. Aujourd’hui, les composés les plus courants sont les irritants oculaires 2-chlorobenzylidène malonitrile (CS), chloroacétophénone (CN), dibenzoxazépine (CR) et l’irritant respiratoire du piment, l’oléorésine de capsicum (OC), contenant de la capsaïcine.

En France, le CS constitue l’unique gaz en dotation pour le maintien de l’ordre dans la police, la gendarmerie et l’armée de terre depuis les années 1960. Son utilisation obéit à des procédures strictes : seul le commandant de compagnie peut donner l’ordre après accord de l’autorité civile. Les grenades peuvent être lancées à la main sur 15 à 20 mètres ou à l’aide d’un lanceur Cougar jusqu’à 200 mètres.

Au-delà du maintien de l’ordre, le gaz lacrymogène trouve des applications civiles dans l’autodéfense privée, sous forme d’aérosols, de gels ou de mousses. Ces derniers formats présentent l’avantage d’un effet plus directionnel et d’une moindre sensibilité au vent. Le gel se liquéfie instantanément au contact de la peau, permettant une fixation ciblée sur l’agresseur sans se répandre dans l’environnement.

Aspects sanitaires

Longtemps considéré comme inoffensif, le gaz CS fait aujourd’hui l’objet d’interrogations sanitaires. Selon un rapport de l’Association toxicologie-chimie (ATC) publié en 2020, la majorité des données toxicologiques sur ce produit demeurent classifiées. La composition détaillée du gaz lacrymogène produit en France n’est pas non plus rendue publique, mais des effets toxiques à moyen et long terme sont connus des militaires et des forces de police.

Le cyanure paraît constituer la principale source de nocivité : chaque molécule de gaz CS se métabolise dans le corps humain en deux molécules de cyanure, bloquant une partie de la chaîne respiratoire et créant un stress oxydatif même à petite dose. Les effets touchent les yeux, le cerveau, le foie et les reins, et sont accentués par temps chaud et humide.

Les symptômes observés incluent l’irritation des glandes lacrymales et des muqueuses, des troubles respiratoires pouvant aller jusqu’à l’apnée, des effets cardiovasculaires, des dommages thyroïdiens, des troubles menstruels et des fausses couches, ainsi que des atteintes gastro-intestinales, hépatiques et neurologiques. Des réactions allergiques et des brûlures similaires à celles causées par l’ypérite (gaz moutarde) ont été documentées lors d’expositions intenses.


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Ressources numériques

Notice de référence : Bromoacétate d’éthyle (reptox.cnesst.gouv.qc.ca)

Notice de référence : (2-Chlorobenzylidène)malononitrile (www.inrs.fr)

Notice de référence : o-Chlorobenzylidène malononitrile (reptox.cnesst.gouv.qc.ca)

Notice de référence : alpha-Chloroacétophénone (reptox.cnesst.gouv.qc.ca)

Notice de référence : Dibenzoxazépine (dictionnaire.acadpharm.org)

Notice de référence : Dibenz[B,F][1,4]Oxazepine (pubchem.ncbi.nlm.nih.gov)

Ressource : Oléorésine de capsicum (www.excipial.fr)


Ressource : Agents chimiques de lutte anti-émeute (www.merckmanuals.com)

Ressource : Bombes d’autodéfense - Société française de médecine d’urgence (SFMU) (www.sfmu.org)

Notions liées

Maintien de l’ordre, arme non létale, guerre chimique, Préfecture de police de Paris, Louis Lépine, capsaïcine, cyanure, toxicologie, manifestation, autodéfense


Entités nommées fréquentes : France, CS.


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