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Sciences humaines | Le 29 janvier 2022, par Raphaël Deuff. Temps de lecture : douze minutes.


« Humanités numériques »

La réalisation de quizz littéraires sur internet

La transmission du savoir à l’ère numérique

La facilité d’accès à l’information via internet a donné naissance à une génération d’étudiants qui sont très à l’aise avec l’utilisation des ordinateurs et de l’internet pour trouver des informations. Cela représente un défi pour les enseignants, en particulier lorsqu’il s’agit de contrôler l’acquisition des connaissances. La même question se pose pour la réalisation de quizz en ligne dans le domaine littéraire. Les éditions Sambuc ont entamé une recherche théorique et technique sur ce sujet, notamment en développant des outils de quizz en ligne.

© Sambuc éditeur, 2024

Avec le développement du web, la recherche d’informations, y compris très précises ou spécialisées, est devenue en quelques années d’une grande banalité. Ce phénomène, qui profite aux particuliers comme aux professionnels, a pu aussi poser quelques difficultés aux enseignants qui, de l’école au secondaire ou à l’université, sont chargés de contrôler l’acquisition d’un savoir. Les élèves ont, de plus en plus jeunes, une maîtrise des outils numériques qui leur permet des recherches plus ou moins approfondies au sein du vaste répertoire d’informations et de connaissances que constitue le web, que ce soit à travers de grands projets comme Wikipédia, des sites internet scientifiques ou conçus par des chercheurs ou des spécialistes (Universalis, sites d’institutions, fiches en ligne développées par des éditeurs scolaires et parascolaires), ou par le biais de contenus plus ou moins amateurs, et plus ou moins fiables.

Des quizz où l’on triche ?

Cette réalité implique une nouvelle relation au savoir : une question factuelle trouve facilement sa réponse, et les jeux de questions en aveugle (blind test) portant par exemple sur des œuvres littéraires, ou encore de musiques ou même des peintures, deviennent bien plus difficiles à organiser lorsqu’ils sont réalisés directement sur le web, du moins si l’on souhaite éviter la « triche ». Il suffit en effet le plus souvent à l’utilisateur de copier-coller la citation à attribuer, pour obtenir en quelques secondes la réponse d’un moteur de recherche sur l’auteur de l’œuvre écrite. Même dans le cas des images, les nouveaux outils de vision par ordinateur dont se sont dotés les principaux acteurs technologiques comme Google (Google Lens) ou Microsoft (Recherche visuelle) permettent dans de nombreux cas d’attribuer, par exemple, un tableau à un peintre.

Cette question de la triche est bien sûr évacuée lorsque l’on déploie de tels événements, ludiques ou scolaires, « entre les murs », de façon à s’assurer que les participants n’utilisent pas internet pour chercher les réponses. On peut ainsi organiser dans un lieu culturel (librairie, médiathèque...) une soirée de lectures en aveugle, où les participants doivent faire appel à leur seule mémoire pour retrouver les œuvres dont sont lus des extraits.

Mais d’un autre côté, l’évolution des usages peut aussi inciter à repenser l’accès au savoir, quitte à inclure comme un mode de recherche valable le recours à internet : on voit alors que des questions purement « factuelles » deviennent moins pertinentes, puisqu’il est facile dans ce cadre d’y trouver les réponses. À l’inverse, les questions qui réclament une analyse ne peuvent pas être aussi facilement résolues par le recours aux moteurs de recherche, et deviennent d’autant plus intéressantes pour ces quiz et jeux culturels – comme, d’ailleurs, pour l’évaluation d’un savoir dans un cadre scolaire.

Enfin, la notion de triche n’a véritablement de sens que dans un cadre où l’organisateur doit pouvoir s’assurer que chaque participant a réalisé le quiz dans les mêmes conditions. C’est le cas lorsque le quiz est associé à un enjeu à la charge de l’organisateur, comme certaines évaluations scolaires conduites à travers des QCM, ou même dans des jeux multijoueurs en ligne. À l’inverse, l’utilisateur peut être conduit à participer sur un mode autonome, sans supervision de l’éditeur du quiz. Dans ce dernier cas, le questionnaire revêt alors une dimension collaborative qui, comme on le verra, peut donner aux participants le goût du challenge.

Les enjeux de la réalisation d’un quiz en ligne

On peut distinguer trois principaux enjeux dans un jeu culturel de type quiz, du côté des participants comme de l’éditeur ou de l’organisateur du quiz : un premier élément qui vise le fait d’apprendre (ou faire apprendre) des connaissances nouvelles, un objectif autour de l’évaluation (ou de l’autoévaluation), et une composante de défi personnel ou de challenge collectif, qui est du reste au centre de n’importe quelle forme d’activité ludique.

Un des enjeux des questionnaires et des jeux culturels en ligne, lorsqu’ils donnent un rôle d’évaluation à l’organisateur, est comme on l’a vu de ne pas limiter le quiz à des questions trop factuelles, mais de faire en sorte qu’elles réclament une analyse, soit par une mise en relation des connaissances de l’utilisateur et du contexte de la question, soit par un travail de recherche, par exemple dans un texte ou un corpus.

Cela présente une difficulté, car en contrepartie ces questions sont moins adaptées au QCM, et réclament plutôt une réponse libre plus ou moins rédigée, en particulier lorsqu’une liste d’options donnerait trop d’indices au lecteur. Or, les fonctions de notation automatique (que l’on trouve aujourd’hui sur des plateformes de formation en ligne, comme Coursera ou Openclassroom) sont plus complexes à développer lorsqu’il s’agit d’évaluer des réponses ouvertes. Ce fonctionnement réclame alors de faire appel à des outils permettant de modéliser le langage et d’interpréter la réponse de l’utilisateur. Il existe toutefois dans ce cadre des solutions nombreuses, et de plus en plus efficaces.

Une autre approche, qui peut être complémentaire, vise à construire les questions qui réclament des recherches plus poussées qu’une requête sur un moteur de recherche ; il s’agit en fait de questions suffisamment spécifiques pour qu’une réponse immédiate ne soit pas disponible. On peut par exemple demander quel est le nom d’un personnage de roman qui apparaît à un moment précis du récit. Une limite de cette approche est le développement important des graphes de connaissance (Knowledge Graph), qui intègrent des relations de plus en plus précises entre des entités. Ainsi, aujourd’hui, des moteurs de recherche généralistes comme Bing ou Google sont tout à fait capables de répondre à une question de la forme « Quel acteur né en telle année joue dans tel film ? » : cette réponse est en effet modélisée par un ensemble de relations entre les entités du film, de l’acteur, d’une année, etc., qui sont connues par une base de données ou, le plus souvent, directement extraites des textes de pages web. Toutefois, l’ampleur de ces graphes est encore très loin d’épuiser l’ensemble des relations possibles entre les entités, et il est donc assez facile de découvrir des questions auxquelles les moteurs de recherche ne peuvent pas répondre immédiatement.

Dernière option, la préparation du quiz peut être faite de façon à inciter l’utilisateur à faire usage de ses propres connaissances, plutôt qu’à maximiser son score à tout prix en utilisant des outils de recherche. Cette approche mise sur le versant personnel porté par le quiz, qui place le participant dans une situation de stimulation et de challenge vis-à-vis de lui-même : il s’agit moins de trouver les réponses pour elles-mêmes, et davantage de se prouver quelque chose. Autrement dit, le quiz n’est plus perçu comme une fin en soi, mais comme un moyen, un outil pour apprendre ou se fixer un défi. Ce type de quiz réintègre d’ailleurs très vite une forme de socialité, par exemple lorsque l’utilisateur partage son score sur les réseaux sociaux.

Quelques exemples de quiz en ligne

Penser et organiser un quizz en ligne participe donc à la réflexion autour de la transmission de la connaissance, à travers un événement ludique, et sera sans doute amené à jouer un rôle de plus en plus grand à ce titre. Ainsi, dans le contexte scolaire, les quiz sur internet constituent aujourd’hui de véritables opportunités pour « consolider » le temps d’apprentissage de la classe, par un travail ludique de l’élève à la maison. Plus particulièrement, face au développement des nouveaux modes de formation, les enjeux du numérique dans le domaine des humanités sont encore souvent en retrait par rapport à d’autres champs de connaissances : par exemple, le site américain Coursera propose des devoirs et QCM automatiques au fil des cours proposés sur la plateforme, mais les connaissances ont principalement trait aux matières scientifiques, pour lesquelles le contrôle du savoir acquis ne se pose pas exactement dans les mêmes termes que pour la littérature, par exemple. L’exemple de Coursera et de son modèle d’évaluation de l’acquisition des connaissances, conduit et étudié par des universitaires, est toutefois particulièrement riche d’enseignements.

Plus proche des sciences humaines, l’application Mémorable lancée par le groupe du Monde propose de tester et d’améliorer ses connaissances en culture générale, à travers un large répertoire d’événements et de faits historiques relatifs aux xxe-xxie siècles. Le modèle de Mémorable est celui d’un quiz quotidien portant sur la base d’articles du quotidien national, et s’adaptant à l’utilisateur en évaluant ses difficultés. Dans le cas de cette application, l’enjeu est de tester le lecteur sur des connaissances qu’il vient d’acquérir, ce qui déplace la problématique de la recherche d’informations, et rend la tentation de la « triche » (recherche systématique des réponses aux questions, par exemple sur Google) beaucoup moins pertinente face à la stimulation ludique de réussir l’exercice quotidien. L’utilisateur doit en effet lire un texte qui lui est soumis, puis répondre à des questions mêlant la compréhension directe et l’analyse ; d’autres questions peuvent porter sur des connaissances acquises lors de quiz précédents, afin de confirmer l’acquis des connaissances.

Enfin, en janvier 2021, la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Georges Pompidou a développé un « quizz géant » dans le cadre des Nuits de la lecture ; celui-ci n’écartait pas techniquement la pratique de la triche, mais reposait sur la bonne foi des utilisateurs, et la stimulation à découvrir les bonnes réponses, pour ensuite partager son score. Ce versant social du quiz peut placer le participant dans une disposition différente, et l’inciter à ne pas faire usage d’internet par goût du challenge.

L’organisation de quiz intégrant des réponses libres, ou des questions nécessitant une analyse et des recherches, est actuellement un objet de recherche des éditions Sambuc. Ainsi, un quizz « Curieux classiques » a été développé à l’occasion des Nuits de la lecture 2022 ; il comportait deux questions de « lecture en aveugle », qui avaient été conçues pour empêcher de découvrir immédiatement la réponse via des moteurs de recherche. Un travail de recherche était nécessaire, par exemple en formulant la requête de façon plus synthétique, ou en repérant des indices dans l’extrait choisi afin de déterminer l’époque, etc.


Raphaël Deuff


En savoir plus

Sélection d’articles : Série « Humanités numériques ».

Sélection d’articles : L’intelligence artificielle et les technologies.

Ressource : Découvrir les quiz en ligne des éditions Sambuc (sambuc.fr).


Entités nommées fréquentes : QCM, Coursera, Google, Sambuc.


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