Politique et institutions | Le 23 décembre 2023, par André Roussainville. Temps de lecture : dix minutes.
littérature & sciences humaines
Politique et institutions | Le 23 décembre 2023, par André Roussainville. Temps de lecture : dix minutes.
Convention internationale
Immense, resté largement méconnu jusqu’au début du xxe siècle, le continent Antarctique devient dans l’après-guerre et les années de guerre froide un véritable enjeu international, sur lequel se multiplient les expéditions d’exploration. Signé par douze pays en décembre 1959 à Washington, le Traité sur l’Antarctique vise à préserver la stabilité politique et écologique de cette région polaire, comprenant aussi l’océan Austral, et à en faire le lieu d’une coexistence pacifique des puissances mondiales, dédié à la recherche scientifique.
L’exploration des terres continentales et insulaires de l’Antarctique, situées au sud du 60e degré de latitude sud, débute à la toute fin du xixe siècle, après une première incursion française en janvier 1840 par Dumont d’Urville (1790-1842). En 1911, l’expédition de Roald Amundsen est la première à atteindre le pôle sud géographique (0°E, 90°S).
Après guerre, l’exploration du continent polaire s’accélère, en particulier entre 1957 et 1958 à l’occasion de l’Année géophysique internationale (AGI), avec des expéditions coordonnées du Commonwealth, des États-Unis et de pays européens, d’Amérique du sud et d’Asie, ce qui conduit à initier l’élaboration d’un cadre réglementaire concernant la conduite d’opérations sur le continent. Dans un contexte de guerre froide, l’objectif était également de freiner les tensions liées aux revendications territoriales sur ce qui était jusque-là une terra nullius, et d’éviter que l’Antarctique ne devienne un territoire militarisé.
Une conférence se tient en 1959 dans la ville de Washington, organisée par les nations ayant conduit des expéditions scientifiques en Antarctique au cours des deux dernières années : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Belgique, Chili, États-Unis, France, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et URSS. L’accord, signé à l’issue de la rencontre le 1er décembre 1959, suspend toute revendication territoriale d’un État sur l’Antarctique, et exclut les activités militaires, consacrant le continent à la recherche scientifique. Le Traité sur l’Antarctique entrera en vigueur un an et demi plus tard, le 23 juin 1961.
Le Traité trouve un point de départ dans les expéditions de recherche scientifique en Antarctique coordonnées au niveau mondial, poursuivies lors de l’Année géophysique internationale pour une meilleure connaissance de la Terre. Le préambule du Traité entend ainsi favoriser la coopération scientifique internationale sur les territoires de l’Antarctique. Plus particulièrement, l’article III vise à la coordination des différents programmes nationaux organisés sur le continent, et prévoit un échange libre des observations et des résultats obtenus par ces programmes de recherche.
Le second grand enjeu du Traité, qui figure également au préambule, est l’interdiction de toute activité militaire dans cette zone (établissement de bases, construction de fortifications, manœuvres et essais d’armes). Le nucléaire, qui fait l’objet de l’article V, est également visé à travers les applications militaires (explosions nucléaires), mais aussi les déchets radioactifs et leur stockage.
Enfin, l’article VII prévoit la possibilité de mettre en place des observateurs, désignés par une partie contractante parmi ses ressortissants. Ces observateurs disposent d’un accès libre aux régions, stations et installations, au matériel, et aux navires et aéronefs séjournant en Antarctique. Les parties ont d’autre part l’obligation d’informer les autres signataires du Traité des expéditions à destination de l’Antarctique, et de l’existence de stations occupées sur ce territoire.
La délimitation des territoires de l’Antarctique, maritimes et terrestres, est donnée dans le Traité d’après une latitude : sont concernées toutes les terres et toutes les mers situées sous 60° sud. À cette définition, conventionnelle, répondent celles qui sont liées aux configurations géologiques ou climatiques, comme la frontière biologique de l’océan Austral, à l’interface entre les eaux subtropicales chaudes et les eaux polaires, ou la délimitation de la plaque tectonique antarctique. Le continent lui-même, soit les terres émergées du pôle sud, peut être circonscrit en retenant (comme dans le traité de 1959) ou non les plateformes glaciaires, appelées barrières, qui s’étendent sur une large partie de ses côtes : barrière de Filchner-Ronne, sur la mer de Weddell, et barrière de Ross (mer de Ross), en particulier — cette dernière mesurant une superficie identique à celle de l’Espagne. Ces plateformes glaciaires, formées par la fluence des calottes (inlandsis) du continent vers la mer, flottent sur les côtes antarctiques jusqu’à leur front de dislocation, avec en moyenne 10 % de leur masse émergée.
Enfin, le continent Antarctique est divisé en trois grandes régions d’après sa géologie : la longue chaîne des monts transantarctiques (entre 1000 et 3000 m. d’altitude) coupe les terres du pôle sud entre une partie orientale, de la taille du Canada, et une partie occidentale à peu près équivalente au territoire de la Lybie. À l’extrémité ouest, une bande de terre d’environ 330 000 m2, qui s’étend au nord vers la pointe de l’Amérique du sud, forme la péninsule antarctique.
Le Traité a été adopté, dans les années qui ont suivi son entrée en vigueur, par dix-sept nouvelles parties consultatives, parmi lesquelles huit pays européens (Pologne, Tchéquie, Pays-Bas, Bulgarie, Italie, Espagne, Finlande, Suède), le Brésil (1975), la Corée du Sud (1976), l’Uruguay (1980), le Pérou (1981), la Chine et l’Inde (1983), l’Équateur (1987), et l’Ukraine (1992).
Vingt-sept autres parties non consultatives ont également ratifié le Traité après 1959, dont la Corée du nord (1987), le Canada (1988), la Turquie (1996), le Venezuela (1999) ou encore le Pakistan (2012) et l’Islande (2015). Cela porte aujourd’hui à cinquante-six le nombre de pays l’ayant ratifié à ce jour (2023).
D’autre part le Traité sur l’Antarctique, premier accord mondial de contrôle des armements conclu pendant la guerre froide, fait aujourd’hui partie d’un système de conventions internationales indépendantes, mais liées par leur complémentarité avec celui-ci et leur renvoi à certains de ses articles. Ce système international s’inscrit dans un esprit général de conservation de l’environnement naturel des terres et de l’océan australs, ce qui prolonge la dimension de certains articles du traité de 1959.
Dès 1972, est conclue à Londres une Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique (CPPA, ou CCAS) afin de maintenir la population de phocidés dans cette zone du globe, marquée par une surpêche depuis le xixe siècle. Sont strictement protégés par ce texte l’éléphant de mer austral (Mirounga leonina), le phoque de Ross (Ommatophoca rossii), les otaries (genre Arctocephalus) et le phoque de Weddell (Leptonychotes weddellii). La Convention entre en vigueur en 1978.
Plus générale, une Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), issue d’une conférence tenue en mai 1980 à Canberra (Australie), vise à réglementer la capture du krill et son influence sur le reste de l’écosystème à travers le réseau alimentaire dans l’océan Austral (oiseaux de mer, phoques, cétacés et poissons). Cette préoccupation concernant la préservation de l’environnement naturel de la zone australe était en effet mentionnée dans le Traité (article IX, 1, f), mais l’approche de la conservation des espèces comme maintient d’un écosystème constitue une teneur marquante de cette convention.
La CCAMLR entre en vigueur en 1982 : elle sera entérinée, dix ans plus tard, par le protocole de Madrid (protocole au traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement), qui complète le Traité par un ensemble de dispositions relatives à la préservation de la faune et de la flore, à l’évaluation de l’impact des activités de recherche sur l’environnement du continent, ou encore à la gestion des déchets et à la pollution marine. Le protocole prévoit aussi la désignation de zones spécialement protégées de l’Antarctique (ZSPA), et de zones gérées spéciales de l’Antarctique (ZGSA). Adopté en 1991 à Madrid, il entre en vigueur en 2002.
Un autre aspect important du protocole de Madrid est la restriction d’exploitation des ressources minières de l’Antarctique aux seules activités scientifiques : ce point trouve sa source dans le projet avorté de Convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l’antarctique, dite Convention de Wellington, élaborée entre le 2 mai et le 2 juin 1988, lors de la session finale d’une série de réunions ayant pour objet l’établissement d’un régime des ressources minérales en Antarctique. Ouverte à la signature à Wellington le 25 novembre de la même année, cette convention échoua à être ratifiée par seize des parties consultatives de la session finale, et n’entra pas en vigueur.
André Roussainville
Le Traité sur l’Antarctique : notice sur le site du Secrétariat du Traité sur l’Antarctique (ats.aq)
Consulter le Traité sur l’Antarctique [PDF] (documents.ats.aq)
Accords Connexes (ats.aq)
France Culture : Barrières de glace, les gardiennes de l’Antarctique (radiofrance.fr)
France Inter : Le Traité de l’Antarctique, l’accord exceptionnel du continent blanc (radiofrance.fr)
Josyane Couratier : La Convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique (Wellington - 2 juin 1988) (persee.fr)
Entités nommées fréquentes : Antarctique, Traité, Année, Ross, Convention, Austral, Madrid.
Sciences humaines | Le 10 décembre 2024, par Raphaël Deuff.
Le corse (corsu) est une langue minoritaire. Elle est parlée en Corse.
Sciences humaines | Le 10 décembre 2024, par Raphaël Deuff.
Rechercher un article dans l’encyclopédie...